LA VIE DANS LES PHARES. 235
toises au-dessus de la lanterne*. Un jour, en 1862,
deux drapeaux noirs flottérent en haut du phare :
c'était évidemment un signal de détresse. Qu'était-
il donc arrivé? Des trois hommes qui habitent le
light-house, celui dont le tour de garde était venu,
sétait ouvert la poitrine avec un couteau. Ses
compagnons avaient essayé d'étancher le sang en
fourrant des morceaux d'étoupe dans la blessure.
Trois jours s'étaient ainsi passés avant qu'on pul
obtenir du secours. La mer était si rude et le débar-
quement si dangereux, qu'on fut obligé delancer du
phare dans le bateau le blessé, suspendu à une
sorte de balançoire. On lui prodigua les soins que
sollicitait son état, mais il mourut peu de temps
après avoir touché le rivage. Le Jury, éclairé par
les rapports de ses camarades, déclara qu'il avait
agi dans un accés d'aliénation mentale. Il n'est point
étonnant que l'homme, placé dans de telles cir-
consíances effrayantes, sente le vertige de l'abime
lui monter à la téte.
Ce qui ajoute beaucoup aux horreurs de cet em-
prisonnement au milieu des flots, est la cohabitation
forcée entre individus dont les goûts et les humeurs
ne s'accordent point toujours. Des curieux ayant un
! Une fois la mer enleva la calotte de la lanterne; l'eau entra,
éteignit les lampes et ne fut repoussée qu'à force de travail et de
présence d'esprit. Une autre circonstance ajoute beaucoup à la ter-
reur des lieux. 11 y a sous le phare une caverne ouverte par une
longue crevasse à l’extrémité du rocher. Quand la mer est mauvaise,
le bruit produit par l’air resserré dans cette caverne est si violent.
que les hommes peuvent à peine dormir. L'un. d'eux fut frappé
d'une telle frayeur par ce phénomène naturel. que ses cheveux
Dlanchirent en une nuit.