LA VIE DANS LES PHARES.
Affolés de lumière à se briser la tête
Aux grands vitrages clairs de ces feux rayonnants.
Comme il ne peut rien voir, il ne peut rien entendre;
Mais l'oreille est au coeur. — 1l croit, à s'y méprendre,
Reconnaitre des voix dans le flot déferlant...
Un adieu qui s'éloigne, un long sanglot qui passe...
Il écoute... Quelqu'un heurte la porte basse,
Comme un ami perdu qui frappe en le hélant.
L'étrange illusion du veilleur est si forte,
Qu'il bondit pour descendre à sa petite porte,
Dans le débordement des eaux, prét à l'ouvrir.
Il touche au verrou froid. '— 1l s'apaise, il remonte,
Songeant qu'à l'horizon plus d'un navire compte
Sur la clarté d'en haut qui ne doit pas mourir.
Elle étouffe son cœur, la pauvre sentinelle,
Dans cette longue nuit qui lui semble éternelle.
Une bande grisätre annonce enfin le jour.
Le ciel blanchit au large. — On voit clair. — La marée,
Comme un mince fil bleu, s’est au loin retirée,
Et l’homme, respirant, s'échappe de sa tour.
André Lemoyne.