LES NAUFRAGEURS. - 289
mais plus d'une était ensuite précipitée dans un
souterrain communiquant avec la mer, pour qu'elle
fût étouffée par la marée montante. « Dans un coin
des. ruines du vieux fort, ajoute M. de Quatrefages,
on m’a montré une fosse carrée à demi comblée de
pierres, et qu’on assure avoir servi d'orifice au
puits qui conduisait à ces terribles oubliettes. On
comprend que des craintes superstitieuses n'ont pas
manqué de s'attacher à ces lugubres souvenirs.
Aussi, quand la nuitenveloppe ces ruines maudites,
quand les rafales du vent d'ouest jettent jusqu’à
elles l’humide poussière des vagues, pas un habitant
de Chausey ne se hasarderait dans leur voisinage,
pas un n’oserait s’exposer à voir les longues flam-
mes rouges qui dansent dans la cour du vieux châ-
teau, ou à entendre les gémissements qui sortent
des flanes du rocher pour se mêler au fracas de la
tempête. »
Cependant, si certains propriétaires riverains
s’étaient arrogé le droit de bris, ils neparait pas qu’il
aient eu leurs souverains pour complices. Depuis
longtemps des lois sévères, et dont l'initiative appar-
tient à l’un des Andronics de Constantinople, sont
édictées contre ces usages odieux. En France, en
Italie, en Espagne, en Angleterre et en Allemagne,
cette législation veut que les épaves non réclamées
par leurs propriétaires légitimes fassent retour à
l'État. Elle enjoint aussi aux autorités de veiller à
ce que la loi ait son cours. Toutefois l’appât du
gain est si vif chez l'homme, que sur nos côtes,
non-seulement cesloisn’étaient pas exécutées à la fin
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