56 LES PHARES.
colosse avait été terminé vers l'an 285 avant notre
ère. Quinze ans paraissent avoir été employés pour
édifier sa masse, qu’on ne peut pas supposer moindre
de 34 mètres. Les Rhodiens avaient reçu, des rois
et des peuples de la Grèce, de grands secours en ar-
gent pour les aider à relever leurs ruines, et parti-
culiérement la statue ; mais, comme on l’a dit plus
haut, ils en furent empêchés par un oracle, ou, ce
qui est plus probable, ils employèrent ces sommes
à desusages d’une nécessité plus urgente. Le colosse
demeura près de neuf cents ans sur le sol, et nous
pourrions peut-être encore l’admirer, sans les Ara-
bes, qui le détruisirent, en 672. Mauviah, l’un des
lieutenants d’Othman , quatrième calife de l'Islam,
s’étant emparé de l'ile de Rhodes, le fit dépecer et
en vendit les morceaux à un juif qui en chargea
un millier de chameaux, s'il faut en croire les chro-
niqueurs byzantins.
Il nous reste à parler de l’auteur de cette célèbre
statue. Selon Pline, elle serait sortie des mains de
Charès, de Lindos, élève de Lysippe, dont la vie est
inconnue. Strabon et l’auteur anonyme des vers
jambiques qu’il cite le nomment également Charès.
On trouve, il est vrai, dans un écrit du philosophe
pyrrhonien Sextus Empiricus, une anecdote qui at-
tribue l'achévement du colosse à Lachés, autre Ly-
dien. D'aprés Sextus, Charés, s'apercevant quil
s’était trompé de moitié sur la somme qu'il en coü-
terait pour l’achever, se serait tué dans un accès de
désespoir, et en lui succédant Lachés aurait été
assez heureux pour mener l'oeuvre à sa perfection.