276 LE MONDE INVISIBLE.
jusqu’à des distances souvent très-longues. Mais
si vous avez la loupe en poche, vous ne résisterez
pas au plaisir d’admirer de près les merveilleux
tissus.
Je ne crois point que vous parveniez facilement à
voir comment l’araignée s’y prend pour jeter son
premier fil. Les plus habiles observateurs y ont re-
noncé, tant l’ouvrière est timide, et cela se conçoit.
Du moment qu’elle a commencé, elle est tout
entière occupée à son œuvre, comme Archimède à
son problème. Elle se laisserait écraser par le balai
de la servante, comme l’illustre Syracusain fut percé
par le fer du soldat de Métellus, sans s’en apercevoir.
Une fois qu’elle a jeté les fondements de son édi-
fice, vous pouvez la voir travailler, la sublime
fileuse! Approchez lentement, sans prendre la
loupe qui gênerait et porterait ombrage ; vous la
verrez hardiment monter au sommet le plus élevé.
En ce point elle colle.son fil au moyen d’une hu-
meur dont elle connaît merveilleusement bien les
propriétés, et dont l'analogue n'existe point dans
l'industrie humaine. Cela fait, elle s’abandonne
hardiment à l’action de la pesanteur, elle laisse dé-
rouler son petit câble, jusqu’à ce qu’elle arrive au
point le plus bas. Voilà son cadre soyeux par-
tagé géométriquement en deux parties par une
merveilleuse diagonale plus précise que celle qu’eût
tracée un compagnon charpentier.
Je vous engage bien à chercher comment elle peut
s'y prendre pour trouver le point milieu sans
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