316 LE MONDE INVISIBLE.
ces habitants innombrables des eaux croupissantes
qui, formés avec un tissu doué d'une 'sensibi-
lite générale, d'une contractilité parfaite, n'ont
besoin ni.d'yeux pour se diriger, ni d'appareil
nerveux pour sentir, ni de muscles pour mar-
cher ?
Retournez l'hydre comme un gant, l'animal ne
semble pas s'en apercevoir; il continue à digérer
comme si le dedans était identique au dehors, et
susceptible d'exercer les mémes fonctions. C'est
ainsi que la racine se change en feuilles, suivant
l'expérience de Saussure, quand on l'expose à l'air;
c'est ainsi que la feuille devient racine quand on
la plonge dans le sein de la terre.
Puisque vous tenez dans vos mains ces étres, je
vous engage à vous familiariser avec eux, à étudier
leurs mœurs. Vous verrez leur industrie si grande
qu'ils savent se servir de leur bouche inférieure
pour s'attacher à la surface de l'eau comme ils se
fixaient à celle de la branche. Grâce à la capilla-
rité, ils flottent paisiblement, aussi tranquilles que
certains insectes reposent sur le liquide qui les
porte. Mais jetez méchamment une petite goutte-
lette sur le petit orifice qui tient suspendu le sin-
gulier émule de l'homme mouche, et vous verrez
qu'il disparait parce que la capillarité a perdu sa
puissance!
Quelquefois on voit éclater entre deux hydres
voisines des rivalités terribles! Elles luttent avec
autant d'acharnement pour la capture d'une proie
m
ta