50 LE MONDE INVISIBLE.
voir satisfaire et vers lesquelles il s'élance pendant
toute l'éternité. Qu'un Shelley vienne nous peindre
ces franges dignes de celles qu'il a entrevues sur
le manteau de ia reine Mab!!
Qu’aurait dit Gœthe de ces aiguilles sans pointe,
de ces colonnes sans chapiteaux, de ces torsades
sans fin, de ces rubans, de ces franges, de cette
mélée où toutes les formes, toutes les teintes,
toutes les nuances viennent se marier, se péné-
trer et se fondre? « Je sais bien qu’ils ne sont point
animés, cependant je suis séduit par cette richesse,
il me semble malgré moi qu’ils obéissent à des
appétits irrésistibles, désordonnés. Gomme moi,
pauvre molécule sensible, ces molécules inertes
savent aimer et souffrir. »
1. La reine Mab est une des plus gracieuses créalions de cet
infortuné poëte, qui périt dans un orage. Byron retrouva son
cadavre et lui fit rendre les derniers honneurs. Quoique enlevé
jeune au monde littéraire et philosophique par cette catastro-
phe, Shelley a laissé cependant une réputation qui ne périra
pas. C’est un des véritables imitateurs de la poésie de la na-
ture si dédaignée pendant le long sommeil du moyen âge, alors
que l'homme, en proie à de tristes réves, avait surtout peur du
réveil. Moins artiste et moins savant que Goethe, Shelley avait
cependant une âme plus sympathique et plus humaine. On
n’avait pas non plus à lui reprocher cet espèce de scepticisme et
de désespoir qui fait que la poésie de Byron est toujours un peu
boiteuse.
M
que