84 LE MONDE INVISIBLE.
faction à nos instincts. artistiques que la nature
s'est donné tant de peine! S'il en était ainsi, elle
nous aurait donné des yeux assez perçants pour
nous passer des besicles du sage.
Quel est donc le spectateur intelligent à qui ces
merveilles étaient destinées! Quel est donc l'être
assez bien doué pour admirer sans lunettes les
formes si fines qui échappent à l’arsenal de Na-
chet!
Voyez aussi la chenille incommode et nauséa-
bonde qui dévore le drap de nos vêtements. Elle
est couverte de poils formés par des cónes trés-
gracieusement enfilés les uns au bout des autres,
formant comme un gracieux chapelet. La surface
de chacun de ces segments si délicats est elle-même
hérissée de pointes beaucoup plus délicates encore,
et sans doute également articulées d’une manière
étrange. Contraste incompréhensible, le microscope
découvre dans la parure de cet être immonde, vil
insecte à peine ébauché, quelque chose qui fait
songer à l’oiseau.
Mais les poils les plus merveilleusement tra-
vaillés sont peut-être ceux des rats et des souris,
des plus petits mammifères. Il faut avoir foi dans
l’infaillibilité du microscope pour oser affirmer
qu'un filament, dont l'épaisseur ne dépasse pas
quelques centaines de millimetres, est recouvertde
plusieurs séries de plaques, trés-finement sculp-
tées et qui, par surcroit de luxe, ont été disposées
en quinconce !
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