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LES MERVEILLES DE LA GRAVURE.
tude et de vérité l’œuvre qu’il avait entrepris de
reproduire. Quoique Gérard Audran n’ait qu’ac-
cidentellement mis son talent au service de
Nicolas Poussin, et qu'il ait gravé très-peu de
planches d’après ce maître, il doit être néanmoins
classé à côté de Jean Pesne et d’une femme ar-
tiste, dont nous allons parler, c’est-à-dire à la
tête des nombreux graveurs que les ouvrages du
Poussin ont inspirés ou fait naître.
Claudine Stella, nièce du peintre Jacques Stella,
naquit à Lyon en 1654 ; elle mourut à Paris en
1697. Rarement on trouve chez les femmes,
méme les mieux douées, assez de force d'esprit
pour s’assimiler complétement une œuvre d'un
ordre élevé, du moins quand cette œuvre, pour
être comprise, demande une éducation première
stendue, une connaissance de l’esprit humain que,
dans l'état de notre civilisation, l'homme est seul,
en général, à posséder. D'où il suit que, étant donné
le géniedePoussin, génie mâle s’il en fut, les estam-
pes gravées par Claudine Stella d’après ce maître
doivent paraître d’autant plus extraordinaires.
Elles accusent, en effet, une grande science du
dessin, une énergie tout à fait masculine, et, en
outre, elles sont gravées avec une liberté telle, que
Watelet n'a pas craint de dire : « Aucun homme
n’a saisi, comme Claudine Stella, le véritable ca-
ractère du Poussin. » Cette opinion nous parait
sortir de l’équitable mesure, parce que nous con-