296 LES MERVEILLES CELESTES.
premier pas qui coüte, dit un vieux proverbe : à l'époque
dont je parle, on n'avait attendu que le premier pas de
l'optique ; à peine fut-il fait, qu'on réclama le second avec
avidité, puis le troisiéme, et comme les progrés de la
science n'arrivaient pas aussi vite que les désirs, comme
bien des années se passaient sans qu'on püt arriver à dis-
tinguer les royaumes de la Lune et les cités de ses habi-
tants, l'imagination exaltée prit les devants et partit sans
tarder davantage pour le nouveau monde céleste. On vit
paraitre alors de fort curieux voyages à la Lune, d'éton-
nantes exeursions, d'impardonnables fantaisies, et les
études sérieuses se trouvérent bientôt largement dépas-
sées par les visions des esprits impatients *.
Cependant elles marchaient rapidement, les découvertes
astronomiques. Encouragé par les premières révélations
du télescope, on avait entrepris l’étude complète de la sur-
face lunaire. L’aspeet de la Lune vue à l’œil nu, ce visage
grossier que l’on remarque avec un peu de bonne volonté
sur son disque pâle, s'était transformé dans le champ des
lunettes, et l’on avait observé tout d’abord des parties
très-brillantes et des parties plus sombres. En examinant
plus attentivement, et en amplifiant les grossissements, on
reconnut que l'aspect des détails changeait suivant que
le Soleil se trouvait d'un cóté ou de l'autre de la Lune,
qu'aux jours où le Soleil était à gauche des signes bril-
lants, on voyait des lignes sombres à leur droite, tandis
que, dans le cas contraire, les lignes sombres paraissaient
à gauche. Il fut alors facile de constater que les parties
brillantes étaient des montagnes, que les parties sombres
qui les avoisinaient étaient des vallons ou des plaines-
basses, et qu'enfin les larges taches grises qui se voyaient
* Les lecteurs curieux de connaître ces voyages pseudo-scientifiques-
en trouveront la description critique dans notre ouvrage les Mondes.
imaginaires et les Mondes réels.
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