LES BALLONS A L'ARMÉE. 267
m'ont-ils répété, lorsque je leur ai dit qu'ils pouvaient en
faire autant.
« Je recus l'ordre de faire une reconnaissance sur
Mayence; je me postai entre nos lignes et la place, à une
demi-portée de canon: le vent était fort; et pour lui op-
poser plus de résistance, je montai seul avec plus de 200
livres d’excès de légèreté. J'étais à plus de 1,500 toises
d’élévation, lorsque trois bourrasques successives me ra-
battirent à terre, avec une si grande force, que plusieurs
des bärreaux qui soutenaient le fond de la nacelle furent
brisés. Chaque fois le ballon s'élevait avec une telle vitesse,
que 64 personnes, 52 à chaque corde, étaient entrainées
à une grande distance. Si les cordes avaient été fixées à
des grappins, ainsi qu'on me l'avait proposé, il n'y a pas
de doute qu'elles n'eussent été cassées ou que le filet n'eût
été rompu.
« L'ennemi ne tira point : cinq généraux sortirent de la
place en élevant des mouchoirs blanes sur leur chapeau ;
nos généraux, que j'en prévins, allérent au-devant d'eux.
Lorsqu'i'sse furent rencontrés, le général qui commandait
la place, dit au général frangais : « Monsieur le general, je
vous demande en gräce de faire descendre ce brave offi-
cier; le vent va le faire périr; il ne faut pas qu'il soit vic-
time d’un accident étranger à la guerre : c'est moi qui ai
fait tirer sur lui à Maubeuge. »
« Le vent se calma un peu ; alors je pus compter à la
vue simple les pièces de canon sur les remparts, ainsi
que toutes les personnes qui marchaient dans les rues et
sur les places.
« Généralement, les soldats ennemis, qui tous voyaient
un observateur plonger sur eux et prendre des notes,
étaient persuadés qu’ils ne pouvaient pas faire un mouve-
ment sans être remarqués ; nos soldats étaient de la même