AVERTISSEMENT.
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Si l’on écarte les motifs qui font croire que le donataire devait étre Tou-
lousain, il est un ami certainement trés intime de Fermat auquel on peut
penser. C'est Etienne d'Espagnet, conseiller au parlement de Bordeaux, et
fils du président Jean d'Espagnet, avec lequel on l'a parfois confondu, et qui
avait commencé à former une bibliothéque considérable. Érudit en toute
science, Etienne d'Espagnet ne s'est pas seulement occupé, entre autres
choses, comme son père, de philosophie hermétique, il réussit assez bien
dans la fabrication des verres de lunettes astronomiques, pour que, dans
une lettre inédite à Boulliau du 2 décembre 1667 (Bibl. nat. fr. 13044, fe 244
verso) Tito-Livio Burattini mentionne Auzout et lui comme étant ceux qui
ont particuliérement réussi en France à obtenir des verres « esquisitissimi ».
Ne serait-ce pas là précisément la clef de l'éloge hyperbolique?
Les spécimens de son écriture dont M. Hochart a pu me procurer une
photographie remontent à 1635, c'est-à-dire à une époque sensiblement
antérieure à celle du cadeau de Fermat. lH n'y a pas de différences sensibles
dans le détail, mais l'écriture est notablement moins grosse, ce qui peut
s'expliquer par la différence de l’âge.
En résumé, je considère la question comme n’étant pas résolue, mais j’es-
time que la probabilité penche pour l'identification avec Etienne d'Espagnet,
et je serais tenté de rapprocher la date du billet des derniéres années de
Fermat (!).
(*) P.-$. — Je dois à l'obligeanee de M. Favaro le renseignement suivant : D'aprés une
lettre de Heinsius à Léopold de Médicis, en date du 4 mars 1661 (publiée par Targioni
Tozzetti dans ses Notizie degli aggrandimenti delle scienze fisiche accaduti in Toscana,
Florence, 1780, page 501), Golius, interrogé sur les manuscrits inédits de Viète, dont la
communication avait été promise aux Elzevirs par Espagnet, aurait répondu que ce der-
nier, tombé en disgrâce, avait été exilé de Bordeaux, et qu’il ne savait plus où le trouver.
— Cet exil dut être la conséquence du rôle assez important joué par Espagnet pendant la
Fronde. Se serait-il, pendant plus ou moins longtemps, retiré à Toulouse? En 1662, cepen-
dant, il était rentré à Bordeaux, et, en 1666, son fils aîné, Jean, le remplaçait dans sa
charge (indications que je dois à un jeune érudit bordelais, M. Dast de Boisville, et qu'il
a tirées des Archives départementales de la Gironde)
Paris, le 25 février 1896
Paur TANNERY