LE BOMBARDIER FRANÇOIS. 1 21
que ceux qui leur font interpofez ; font éloignez d’être en progrelfion
arithmetique ,, & combien il eft abfurde d’avoir fuppofé que les por-
tées, depuis 10 degrez jufqu’à 45 augmentoient également, puilque
quand il y aura 40 toiles de difference de la portée de 15 degrez, à
celle de 10, il n’y en aura pas feulement 3 , de 45 degrez à 40 : de-
1à vient que les portées de 45, felon, ces’T'ables, font beaucoup trop
grandes , & qu’on a eftimé celles des mortiers fort au-deflus de ce
qu’elles font effe(tivement. {
: Pour juger de la caufe qui a fait errer nos premiers Bombardiers juf-
qu’à ce point, on peut croire avec beaucoup de vrai-femblance, qu’ils
ont commencé par pointer le mortier fous l’angle de 10 degrez, qu’ils
ont choifi pourle pluspetit; qu’enfuite ils l’ont pointé fous 11, 12;
13, 14 & 15'degrez ; Scayant vû dans.la premiere épreuve, queles
portées differoient entr’elles d’environ. 8 toifes, & fembloient former
une progreffion arithmetique (comme en effet elles n’en font point forc
éloignées , à caufe que les finus des angles doubles des precedens fe fur-
paflent à peu'près de même) ils fe font contentez de tirer fous’ ces angles
feulement, croyant qu’il en. devoit être ainfi pour tous lesautres, fans
examiner les chofes de plus près, & ont dreffé leurs Tables, en ajoù-
tant toujours 8 toifés de degré en degré jufqu’à 45. Depuis cetems-là,
on s’eft pourtant bien apperçû dansla pratique, que les portées fous 45
degrez, n’étoient guére plus grandes que celles de 4o, fans favoir à
quoi en attribuer la caufe, mais cela vient de ce que le finus de go de-
orez , ne differe pas beaucoup de celui de 80 ; auffi voit-on dansles Tables
que j'ai calculées, qu’à la fin de chaque colonne, les portées paflent tout
d’un coup de 40 à 4.5 , & que dans les amplitudes qui vont jufqu’à 300
toifes, la difference des portées fous ces deux élevations , n’eft guére que
de 4 toifes, & devient d’autant plus petite à proportion que le mortier
eft moins chargé. Je conclus donc, que les Tables des anciens Bombar-
diers n’ont eu pour principe, nila théorie, nila pratique ; car s’ils eûf-
fent raifonné, ils n’auroient pas fuppofé (comme ilsl’ont fait ) les por-
tées en progreffion arithmetique, & fi tout fimplement ils euffent con-
tinué à tirer de degré en degré, depuis 10 jufqu’à 45, ils auroient vû
qu’à mefure qu’ils auroient approché de la plus grande amplitude, la
difference des portées devenoit toujours plus petite, & ne fe feroient
pas avifez de les fuppofer égales. : :
: Comme il arrive fouvent qu’il fuffit que la plûpart des chofes ayent
Pancienneté de leur côté, pour acquerir dans le monde un crédit qu’elies
ne méritent pas, j'ai crû que pour fatisfaire les perfonnes qui n’enten-
c ” droient