L'AURÉS 97
Un massif montagneux dans l’Atlas qui ait gardé son nom et son
individualité bien nette depuis deux mille ans, il n’y en a peut-être
pas d’autre en dehors d’Aurasius Mons.
Les Berbères qui l’habitent ont un nom d’ensemble; ils s'appellent
Chaouïa (de cha brebis); ce qui semble signifier les pâtres
de moutons. Ce sobriquet devenu un ethnique souligne un genre
de vie par quoi les Chaouïa s’opposent à tous leurs voisins, non
seulement aux Arabes Hodnéens, grands nomades pâtres de cha-
meaux, mais aussi aux Berbères de Kabylie cultivateurs et arbori-
culteurs, logés dans des maisons et des chaumières. Si nous étions
plus familiers avec le passé de l'Algérie, nous reconnaîtrions, je
crois, dans le pays Chaouïa, le pays de ces pâtres nomades ou
semi-nomades, qui ont porté, aux temps de Carthage et de Rome
le nom de Numides. Depuis l’antiquité, la venue des Chameliers
Zénètes, puis Arabes, a modifié de fond en comble le nomadisme.
Là où furent les Numides on retrouve aujourd’hui les Chaouïa,
fidèles aux conditions de vie que le pays et le climat imposent,
distincts de leurs vieux voisins les Maures des chaumières, comme de
leurs voisins plus récents les chameliers des grandes tentes.
Ce groupe humain Chaouïa semble aussi anciennement indivi-
dualisé que les montagnes où il vit.
Il s'étend jusqu’à Souk-Ahras et jusqu’auprès de Constantine
recouvrant, au nord de l’Aurès proprement dit, la zone des bassins
fermés qui lui est subordonnée. On dit les Hauts Plateaux de Cons-
tantine et cette façon de s'exprimer n’est pas heureuse.
C’est à l’ouest du Hodna que les deux Atlas, le tellien et le
saharien, sont séparés par une zone intermédiaire de hauts plateaux.
A l’est de l’étranglement les conditions se modifient; les deux Atlas
se rejoignent et se bordent l’un l’autre. Aussi bien les directions
des plis s’infléchissent progressivement vers le nord, l'Atlas tellien
arrive à la mer, et le saharien, se substituant à lui, recouvre la
Tunisie. Rien n’est plus connu. Un coup d’œil sur la carte montre
bien nettement cette orientation nouvelle et ce groupement des
plis. Il est curieux que la nomenclature usuelle soit en contradic-
tion complète avec l’évidence.
A l’ouest du Hodna on verra combien la limite est facile à
suivre entre le socle continental à peu près rigide, et la zone géo-
synclinale plissée. A l’est il y a du flou.
Il est vrai que le rocher calcaire qui porte la ville de Constan-
tine, semble appartenir déjà au socle continental, et en être le
E.-F. Gautier. — Structure de l'Algérie. 7