CHAPITRE IV
LE TIGRI
En relation de voisinage avec l’arc de Fortassa et le plateau
de Tendrara se trouve le chott Tigri. On a l'intention de l’analyser !
sommairement comme un bon échantillon des cuvettes fermées
dont la juxtaposition constitue les Hauts Plateaux (fig. 25).
Ce serait un très mauvais échantillon de chott proprement dit.
Il n’a jamais été fait une étude détaillée d’un chott. Il faut
se borner à des impressions. On se représente un chott comme une
plaine d’alluvions, sur laquelle, après les pluies, de grandes éten-
dues d’eau, d'épaisseur pelliculaire, se déplacent plus ou moins
au gré du vent. En temps ordinaire c’est à perte de vue une immen-
sité brunâtre, çà et là miroitante de sel. Il n’est jamais possible
de la traverser sans précautions, parce qu’elle est semée de fon-
drières très dangereuses. Non seulement les hommes mais jusqu'aux
gazelles, dit-on, connaissent les sentiers où le sol est solide et dont
il ne faut pas s’écarter, sous peine d’enlisement et de mort. Le
pays le plus intraversable et le plus inexplorable, puisqu'il n’existe
pas de moyens de transport imaginable; on ne passe ni à pied ni
en bateau dans un pays qui n’est ni terre ferme ni eau. Telles
sont les idées que le mot de chott éveille,
Le Tigri ne répond pas à cette définition. On y rencontre bien
çà et là des plaques chauves et salées; mais elles sont insignifiantes ;
les caravanes passent et campent partout. Ainsi les Indigènes
disent : le chott Chergui, le chott R’arbi; mais ils disent le Tigri
tout court. C’est pour eux le nom d’un pays, d’une région naturelle,
Il est sûr pourtant que ce pays est une cuvette fermée, et s’il rentre
dans une catégorie qui ait un nom courant, c’est assurément dans
1. Pour beaucoup de détails supprimés ici de cette analyse, on renvoie à une
étude parue dans les Annales de Géographie, No 49.