10 STRUCTURE DE L'ALGÉRIE
On est donc conduit à l’idée qu’il a existé, sur l'emplacement
de la Méditerranée occidentale, un môle résistant, qui a refoulé
autour de soi les plis du géosynclinal. Cette ancienne terre ferme,
abîmée aujourd’hui, sauf le fragment Sarde, sous des épaisseurs
d’eau qui vont à 3 000 mètres, les naturalistes lui ont donné le
nom de Tyrrhénide : il est à peine utile de rappeler qu'ils ont
emprunté ce nom à la mer Tyrrhénienne.
Sur les côtes de la Méditerranée occidentale, celles d’Andalousie,
d'Afrique, d’Italie, voire de Provence, la Tyrrhénide a laissé des
fragments de soi, et des traces de la rupture.
Dans notre Algérie par exemple, les vieilles roches cristallines
sont sur la côte, dans les Kabylies, et nulle part ailleurs dans tout
l’intérieur du pays. Dans la région d’Alger en particulier trois petits
pointements côtiers de schistes cristallins sont significatifs. L’un
est celui de la Bouzaréa, le promontoire sur lequel est construit
la vieille ville. Les deux autres, à droite et à gauche de la Bouzaréa
sont ceux du cap Matifou et du cap Sidi-Ferruch (fig. 32). Ces
trois promontoires voisins, parmi lesquels Matifou et Sidi-Ferruch
sont tout à fait exigus, sont construits de même. Chacun est
un paquet hétérogène de vieilles roches cristallines, collé à une
côte de roches tertiaires récentes. Ce sont des corps étrangers,
des lambeaux; puisqu'ils n’ont pas de rapport intelligible avec
la terre ferme, il faut chercher leur continuation et leür expli-
cation au fond de la mer : ce sont des bavures détachées de la
Tyrrhénide.
En Italie les vieilles roches de la Calabre (monts Péloritains,
Aspromonte, Sila) font de même un contraste absolu avec tout le
reste de l’Apennin. D’après Suess on a trouvé en grandes quantités,
éparpillés à travers tout l’Apennin, «des blocs de granite, de syénite,
de porphyre, et d’autres roches », et on suppose « que leur pays
d’origine se trouverait dans la Tyrrhénide effondrée ». Tout con-
firme donc « l'hypothèse qu’une grande chaîne en partie granitique,
existait jadis à l’ouest de la péninsule »t.
En Provence les monts des Maures (Esterel, îles d'Hyères)
font ce même contraste de corps étranger avec les Alpes. En tout
cas ils n’ont pas « avec les plis provençaux une liaison intime;
ils affectent plutôt les caractères d’un fragment d’avant-pays »?.
Par les cassures le long desquelles la Tyrrhénide s’est abîmée,
1. N° 116, t. III, p. 871.
dd; D. SU