24 STRUCTURE DE L'ALGÉRIE
lement au point de vue géologique, mais aussi et davantage encore
topographique. Le grand Atlas mérite son nom, il est très élevé L
les sommets avoisinent 4 000 mètres. Il est deux fois plus haut
que l'Atlas Saharien. Par l'altitude et l’âge des roches ce-sont des
mondes montagneux tout à fait distincts.
Le contraste est le même entre deux humanités.
Aux puits du Tamlelt viennent boire deux races voisines et
ennemies. À l’est sont les Beni-Guil, arabes de langue, cavaliers,
nomades; apparentés par leur organisation et leur genre de vie
aux nomades des hauts plateaux Algériens, à leurs voisins les
Hammeyan par exemple. A l’ouest du Tamlelt commencent les
Beraber; dans toute l'Afrique du Nord ils sont les seuls à qui la
coutume populaire a conservé le nom des Berbères: leur dialecte
est berbère et ils ne savent pas l’arabe: ils sont ruraux, sédentaires,
montagnards, ils ont une organisation démocratique de village ;.
ce sont les frères de nos Kabyles; comme eux ils ont pour leurs
voisins de langue arabe une haine nationale plus que millénaire.
Ce sont là des faits qu’il semble difficile de nier; mais si on les.
admet on ne peut pas s’y tenir; il faut aller plus loin.
Au temps de Salluste, la Moulouya était déjà une frontière
entre les deux Maurétanies. On peut certainement dire qu’elle:
l’est restée, en entendant la Moulouya moyenne, celle des hauts
plateaux. Elle aussi sépare les Béraber et les Arabes, les sédentaires
et les nomades. Mais ce n’est pas le fleuve lui-même qui est fron-
tière. Il longe sur sa rive gauche le pied d’un escarpement haut
d’un millier de mètres, par lequel le haut pays marocain, qu'on
appelle ici le moyen Atlas, tombe à pic sur les plateaux algériens
deux fois moins élevés (fig: 6). C’est de tout le Maroc le coin qui.est
resté le plus inconnu. Il faut en parler avec prudence, et attendre
les résultats d'une étude géologique qui n’est pas commencée,
et qui sera longue. Mais enfin on connaît bien aujourd’hui, on a
même à peu près cartographié la continuation des hauts plateaux
jusqu'à la Moulouya. De là, par delà la rivière, on voit, j'ai vu,
le massif abrupt du moyen Atlas barrer l'horizon, avec ses cimes
encore largement neigeuses à la fin du printemps, djebel-es-theldj
la montagne de la neige, disent les Beni-Guil. Le contraste entre le
moyen Atlas et leshauts plateaux, de part et d’autre de la Moulouya,
paraît du même ordre qu'entre le haut Atlas et l'Atlas Saharien,
de part et d'autre du Tamlelt. C’est la même frontière qui continue:
dans les mêmes conditions physiques.