92 STRUCTURE DE L'ALGÉRIE
En effet, comme on l’a déjà dit longuement, il n’a, pour ainsi
dire, jamais cessé d’être zone de bassins fermés. SOUS nos veux,
aujourd’hui, à son extrémité orientale, dans le sud tunisien, le
bassin fermé du Djerid va jusqu’à Gabès, c’est-à-dire jusqu’à la
mer. Depuis l’oligocène, en tout cas depuis le pontien, cette chaîne
tout entière n’a jamais été normalement drainée par des fleuves
aboutissant à la mer. C’est un fait d’immense conséquence, au
point de vue modelé, Le cycle d’érosion n’est plus le même, suivant
que le niveau de base est fourni par le chott voisin qui se comble,
et non plus par la mer lointaine, dont la capacité réceptive en matière
d’alluvions est pratiquement illimitée. Sur tout le flanc sud de
Figuig à Gabès, le contact géologique entre l'Atlas et la plate-
forme saharienne ne s’observe nulle part; il est masqué invaria-
blement par des épaisseurs inconnues d’atterrissements conti-
nentaux, que les géologues ont classé mio-pliocènes, et qui sont
les éboulis et les débris de la chaîne, les résultats accumulés de
son usure à travers les âges. Ils sont restés où le ruissellement sur
les pentes les a abandonnés, à bout de force dans les zones d’épan-
dage. La chaîne est enfouie sous ses propres débris. Le colmatage
en bassins fermés est soumis à des lois particulières : le niveau de
base qui est une simple zone d'épandage tend à se relever sans
trêve par l’accumulation des alluvions: il en résulte une incertitude
du cours inférieur; la rivière est rejetée par le résultat de son tra-
vail à la recherche éternelle d’une zone d'épandage nouvelle:
et le colmatage s’étend donc de proche en proche sur des étendues
illimitées.
L’érosion aussi obéit à des lois nouvelles; il n’y a pas attaque
générale par de grands fleuves brutaux éventrant profondément
la chaîne. Dans les compartiments séparés des bassins fermés
l'érosion travaille en petit. Chaque groupe montagneux est modelé
à part, délicatement, par une érosion régulièrement périphérique,
l'ennoyage et par conséquent la protection du pied allant de pair
avec l'attaque du sommet. Ainsi s'expliquent, j'imagine, ces
paysages, que décrit Ritter, où « quelque montagne décharnée
s’avance, dans l'horizon plat, comme un éperon de navire » : ces
« vastes plaines que séparent de longues crêtes aiguës et bien ali-
gnées ». Flamand les compare à des « chenilles processionnaires »
se suivant à la queue leu-leu.
On a parfois comparé l'Atlas saharien aux chaînes de l'Iran,
d’ailleurs bien mal connues et cette comparaison a chance de