CHAPITRE I. — HISTORIQUE DES INSTRUMENTS ET DES MÉTHODES. q5
Sur le continent, on connaissait surtout le compas de pro
portion de Galilée, et la célèbre dispute de ce grand homme
avec un plagiaire éhonté, le Milanais Balthazard Capra ('),
avait contribué à faire supposer que l’invention lui appartenait
tout entière et exclusivement. Or, de toutes les lignes tracées
sur cet instrument et de tous les nombres qui les accompa
gnent, les arpenteurs, les topographes et la plupart des dessi
nateurs n’employaient guère que la ligne des parties égales
et la ligne des cordes empruntées au compas de Guidubaldo,
et dont l’usage, facile à saisir, se trouve indiqué en quelques
mots dans le Traité de Géométrie de Séb. Le Clerc :
« Le compas de proportion {fi g. 3^) a pour jambes deux
qui a tant contribué à perfectionner l’art de diviser les cercles ou les arcs
de cercle et qui a eu recours, pour cela, au secteur de Gunter.
(') Dans l’Avertissement au lecteur qui précède le texte de la première
édition (Le Operazioni del Compasso geometrico e militare di Galileo
Galilei, Padova, in-f°, 1606), Galilée dit qu’il avait fait construire plusieurs
compas de proportion dont il enseignait l’usage aux plus grands person
nages à Padoue, dès i5g8, et il ajoute qu’il avait été amené à en publier la
description presque contre son gré, estimant que les explications orales et
l’exercice de l’instrument étaient bien préférables aux explications écrites :
« Et questa saria stata potente cagione, che mi averrebe fatto aste-
ner dall’ imprimer quest’ opéra, se non mi fosse giunto ail’ orecchie, che
altri, aile mani di cui, non so in quai guisa, è pervenuto uno de’ miei
Strumenti con la sua dichiarazione, si apparecchiava per appropriar-
selo, etc. »
Galilée ne s’était pas trompé, car un an plus tard, en 1607, paraissait un
Ouvrage en latin dont voici le titre : Usus et fabrica circini cujusdam
proportionis, per quem omnia ferè tum Euclidis, tum mathematicorum
omnium problemata facili negotio resolvuntur, opéra et studio Baltlia-
saris Caprce nobilis mediolanensis explicata.
Il parait que derrière ce Gapra se cachait un des envieux les plus achar
nés de Galilée, qui lui avait déjà occasionné des ennuis à propos de ses
travaux sur la nouvelle étoile de 1604. Aussi celui-ci ne se contint-il plus,
et, dans une plaidoirie d’une dialectique et d’une ironie incomparables
intitulée : Difesa di Galileo Galilei contro aile calumnie ed imposture
di Baldessar Capra, etc., il se donna le plaisir de confondre à la fois
l’effronterie et l’ignorance du faussaire devant les réformateurs des études
de Padoue, qui ordonnèrent immédiatement la destruction de tous les
exemplaires du libelle en question. Mais Galilée en reproduisit lui-même
le texte à côté de sa défense, en soulignant et annotant les erreurs qui y
fourmillent, si bien qu’il fait partie de ses propres œuvres. 11 faut avouer
que l’on obtiendrait difficilement aujourd’hui, en pareil cas, une justice
aussi sommaire et aussi complète, et que l’on prenait autrefois la peine de
se défendre plus énergiquement que nous ne savons le faire.