CHAPITRE I. — HISTORIQUE DES INSTRUMENTS ET DES MÉTHODES. 273
Verniquet, étaient incontestablement mieux inspirés et plus
au courant des principes de leur art que ceux du nouveau plan
de Paris, si soigné qu’il soit matériellement, et si, de leur temps,
l’usage des courbes de niveau avait été aussi répandu que du
les cotes de nivellement relevées par les agents voyers, mais on s’était
servi de ces cotes éparses pour tracer des sections horizontales continues
par interpolation.
Quelques années plus tard, mon savant camarade et ami Delesse avait
entrepris de tracer de la même manière des courbes de niveau sur un plan
de Paris à l’échelle de s * 0 0 : je l’avais aidé dans ce travail de patience
souvent inextricable et nous avions saisi tous les deux l’occasion de la
construction du nouveau plan de Paris, entreprise sous l’administration de
M. Haussmann, pour suggérer l’idée de figurer sur ce plan, exécuté à
l’échelle de ¡ - 0 1 00 , le relief du sol à l’aide de courbes levées rigoureuse
ment à l’équidistance de i m et, dans certains cas, avec des courbes inter
calaires. Nous nous étions efforcés en même temps de démontrer que la
dépense qu’entraînerait ce travail serait couverte et au delà par l’économie
que l’on pouvait faire en évitant d’édifier, à grands frais, ces échafaudages
gigantesques en charpente, pompeusement décorés du nom de pylônes,
dont tous les Parisiens d’un âge mûr se souviennent, qui couvraient les
quais et les boulevards intérieurs et extérieurs, s’étendaient jusque dans
la banlieue et devaient servir d’observatoires pour la triangulation.
J’avais été appelé à m’expliquer, à ce sujet, devant le Préfet de la Seine,
à qui je fis remarquer que ces châteaux branlants étaient peu propres à
leur destination et qu’il était inouï que l’on en eût l’idée dans une ville
couverte de monuments élevés et solides sur lesquels les opérateurs char
gés de la triangulation du beau plan de Verniquet avaient eu grandement
raison de s’installer. J’avais même cité à M. Haussmann le scrupule des
géomètres anglais qui, dans l’Inde, au milieu des forêts, avaient fait
construire de hautes tours en maçonnerie pour servir de signaux et de sta
tions, afin d’éviter les inconvénients des oscillations des charpentes de
bois ( a ). En dépit de l'intelligente initiative que l'on est accoutumé à en
tendre louer chez le célèbre administrateur, la proposition si raisonnable
formulée par Delesse et par moi dans un Mémoire détaillé que je lui remis
sur sa demande, ne fut pas prise en considération. Tout se réduisit à une
lettre courtoise de M. Haussmann, dans laquelle il m’annonçait qu’il serait
tenu compte de l'une de mes critiques concernant les pylônes. Ceux-ci
étant, en effet, destinés à disparaître ne devaient, contrairement aux règles
les plus élémentaires de la Géodésie et du sens commun, laisser aucune
trace de la triangulation, et j’avais conseillé de marquer au moins d’un
signe visible la projection sur le sol de chacun des sommets. C’est ainsi
que l’on peut découvrir encore, çà et là, des disques de bronze scellés sur
les trottoirs ou sur la chaussée, le long des quais et des boulevards, sur
la place de la Madeleine, etc.
(«) Les pylônes étaient sans doute incomparablement moins élevés que la
tour Eiffel dont on a pu mesurer les oscillations, mais il est aisé de prévoir que
des charpentes de bois, au haut desquelles l’observateur était obligé de se dé
placer autour de son instrument, ne présentaient pas les conditions de rigidité
nécessaires.
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L.