CHAPITRE II. — LA TOPOGRAPHIE DANS TOUS LES TEMPS. 38g
mesure qu’ils s’éloignent et celle de l’affaiblissement consé
cutif des effets d’ombre et de lumière ( I ).
Ces notions pour ainsi dire intuitives ont été les seules qui
guidèrent, à leur tour, les artistes du moyen âge. Encore
furent-elles assez souvent négligées, et, quant à la question de
la position du point de vue et de ses rapports avec celle des
points de fuite sur une ligne d’horizon, elle semble à peine
avoir été pressentie le plus ordinairement.
D’ailleurs, la Perspective monumentale n’était pas la seule
dont eussent à se préoccuper les architectes eux-mêmes et
surtout les peintres, et quand les uns ou les autres embras
saient le paysage, les difficultés du dessin augmentaient en
raison de l’irrégularité des formes du terrain. Il est vrai que
de légères erreurs d’appréciation commises à l’endroit de ces
formes étaient moins graves que lorsqu’il s’agissait de monu
ments et de personnages, mais les grands peintres et les grands
architectes du xv e et du xvi fi siècle, Léonard de Vinci en
tête ( 2 ), n’avaient pas moins cherché à dessiner en perspective
(») Voir la Prospettiva cli Euclide insieme con la Prospettiva di Elio-
doro Larisseo, tradotta dei R. P. M. Egnatio Danti, etc. In Fiorenza,
mdlxxiii. Bibl. Nat., n° 6053. Ces deux Traités ne contiennent que des no
tions analogues à celles que nous supposons et aucune des règles précises
qui ont tant servi à guider les modernes. Il se pourrait qu’avec leur culte
pour la beauté des formes humaines les peintres grecs aient attaché peu
d’importance au paysage qu’ils considéraient sans doute comme un acces
soire dans la composition de leurs tableaux.
Les fresques très anciennes découvertes en Étrurie, à Corneto en parti
culier, et qui représentent des chasses, des danses dans la campagne, etc.,
ne sont pas de nature à modifier cette impression. Ce n’est que plus tard
que les peintres décorateurs commencèrent, à Alexandrie d’abord, paraît-il,
puis en Italie, à représenter des scènes qui eussent exigé une connaissance
plus étendue de la Perspective linéaire. « Ludius le premier, dit Pline,
commença, sous Auguste, à décorer les murs des appartements de portiques,
de bosquets, de coteaux, de rivières, de sites très agréables à voir où des
personnages chassent, rament ou pêchent, bref, de scènes fort plaisantes. »
(Le Paysage dans l’Art, de Raymond Bouyer; L'Artiste, Paris, janvier,
septembre i8g3).
Nous donnons un spécimen de ce genre de décoration relevé à Pompéi
(fi g. i3g) et qui, malgré l’agrément de la composition, est rempli de fautes
de Perspective, comme on le voit immédiatement.
( 3 ) On cite avant lui un peintre de talent, du nom d’Uccello, qui finit par
tant se passionner pour le problème de la Perspective qu’il négligea la
peinture qui le faisait vivre et tomba dans la misère.