CHAPITRE I. — HISTORIQUE DES INSTRUMENTS ET DES MÉTHODES. 4l
résultent des recherches concordantes de deux éminents phi
lologues, Amédée Jaubert et Klaproth, qui ont, le dernier
surtout, complètement élucidé la question.
Dans un Ouvrage où la plus haute érudition s’allie à la plus
saine critique, modestement intitulé : Lettre à M. le ba
ron A. de Humboldt sur l'invention de la Boussole ( 1 ),
Klaproth énumère d’abord les noms donnés à l’aimant et à
l’aiguille aimantée dans presque tous les idiomes d’Asie et
d’Europe, et fait justice des prétentions affichées par plu
sieurs peuples occidentaux de les avoir créés et imposés aux
autres ( 2 ).
Son attention se porte ensuite sur la question de savoir à
quelle époque remonte la connaissance de la polarité de l’ai
mant, d’où est venu l’usage de l’aiguille aimantée dans la na
vigation, dans les voyages sur les continents, plus tard dans
les relevés des itinéraires et enfin dans les reconnaissances
topographiques. Il établit, contrairement à l’opinion du sa
vant physicien Hanstæn ( 3 ), qu’en Europe, aucun document
sur ce sujet n’est antérieur à la fin du xn e siècle. Il rappelle
alors les vers bien connus de Guyotde Provins, extraits d’une
pièce satirique intitulée la Bible, qui date environ de 1190 et
(') J.Klaproth, Lettre sur l’invention de la Boussole. Paris, Librairie
orientale (le Prosper Doiuley-Dupré; i83^.
( 2 ) En France, nous 11’avons pas échappé à ce léger ridicule, en suppo
sant d’abord que les mots calamite et marinière ou marinette donnés
primitivement à la boussole étaient d’origine française, enfin en admettant
que la fleur de lys, généralement adoptée par les peuples européens pour
indiquer le Nord sur la rose des vents, était un indice évident de la
priorité historique de l’emploi de la boussole par les marins français. Or
le mot calamite est grec et anciennement employé par tous les peuples
latins pour désigner l’aimant, et ceux de marinière ou de marinette, dus
à des erreurs de transcription, doivent être remplacés, d’après Paulin Paris,
par amaniere, pierre d’aimant, ou manete, encore dérivé du grec p.aYv^Tyiç.
Quant à la Heur de lys, il y a, en effet, bien des chances pour qu’elle date
des croisades et du temps de saint Louis, c’est-à-dire peu après que les
Francs eurent emprunté l’usage de l’aiguille aimantée aux Arabes. Mais
les Allemands ont prétendu à leur tour à cette priorité en se fondant sur
ce que les noms de la rose des vents sont d’origine germanique.
( 3 ) Hanstæn avait cru, d’après un passage d’un ancien Ouvrage norvé
gien, sûrement intercalé postérieurement, que l’aiguille aimantée était
connue en Islande dès le xi° siècle.