LES GRANDEURS
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rectangle (*) (n os 63 et 199) montre que ces longueurs se rencontrent
dans les problèmes géométriques les plus simples. Les 1 }thagori-
ciens restent confondus ( 2 ) ; 1 édifice de la science est ébranlé;
comment va-t-il être possible de le reformer
C’est ici qu’interviennent les fameux arguments de Zénon
d’Elée. 11 n’est pas vrai, dit Zénon, que les grandeurs soient
des nombres au sens pythagoricien, c est-a-dire des assemblages
d’unités ou de points. En effet, le point, n ayant ni grandeur, ni
épaisseur, ni volume, est le néant, et avec le néant on ne peut
pas former des assemblages. « Si ( s ) en elfet, on 1 ajoute (le point)
« à autre chose, il ne la rend pas plus grande ; car, ajoutez une
« grandeur nulle, vous ne pouvez augmenter la grandeur; ainsi
« l’augmentation sera nulle. Retranchez au contraire, 1 autre chose
« ne sera en rien moindre, comme elle n’était en rien plus grande par
« l’addition ; ainsi l’augmentation etla diminution sont également
« milles. » Par conséquent il n’est pas possible de regarder les choses
réelles comme des « pluralités »de points. Réciproquement, si un
être est,il est nécessairement pourvu de grandeur et d’épaisseur. Sup
posons alors que tout être soit une pluralité,c’est-à-dire soit composé
de parties ; ces parties, pourvues de grandeur et d’épaisseur, seront
donc elles-mêmes des êtres composés de parties lesquelles auront
à leur tour des parties; « ce qu'on a dit une fois, on pourra tou-
« jours le répéter; il n’y aura jamais de la sorte un terme (une
« partie) extrême, où il n’y ait pas de parties différentes l’une de
« l’autre. Ainsi, s’il y a pluralité, il faut que les choses soient à la
« fois grandes et petites, et tellement petites qu’elles n’aient pas de
(’) Ce théorème a-t-il été énoncé par Pythagore sous la forme que
lions lui donnons aujourd’hui? Nous l’ignorons. Phoclus, en tout cas nous
dit formellement (dans son Prologue du Commentaire des Eléments)
« C’est à lui (Pythagore) que l’on doit la découverte des incommensu
rables ».
( 2 ) S il faut en croire un scholie ancien (voir Cantor, Varies., r, 171)
la légende racontait que l’auteur de la théorie des incommensurables fut
englouti dans un naufrage. C’est ainsi que le ciel punit celui qui avait
exprimé 1 inexprimable, représenté l’infigurable, dévoilé -ce qui eût dû
rester toujours caché. « Tel était, ajouté le scholie, l’étonnement reli
gieux où la théorie des incommensurables plongeait ces hommes
(les anciens géomètres) ».
(°) fragment de Simplicius, Piiijs. Diels, 13c>. Voir Paul Tannery,
Pour l’histoire de la science hellène, 1887, p. a5o et sqq.