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LES GRANDEURS
notion générale du nombre se trouvait, en d autres ternies, déli
vrée de toute entrave.
Nous admettrons donc que les grandeurs ne sont pas des
nombres. — Et si, pourtant, elles sont des nombres, et une
révolution s’impose, inverse de celle qu’ont accomplie les Éléates;
comme l’a fort bien vu Descartes, les progrès futurs des mathé
matiques sont à ce prix. Mais il faut bien nous entendre sur le
sens des mots; il faut tirer définitivement au clair la définition
du nombre irrationnel et lui ôter le voile d infinitude ( 1 ) qui
l’obscurcissait aux yeux des Grecs. Nous ferons intervenir dans ce
but une notion fondamentale, dont nous nous sommes déjà occupés
incidemment lorsque nous avons parlé d'approximation arbitrai
rement (jrande en arithmétique (n° 4.7) et d’exhausiion en
géométrie ; la notion de limite. Nous allons préciser le sens de
cette notion et en donner, sans aucune préoccupation historique
désormais, une double interprétation, arithmétique et géométrique.
6. — Définition rigoureuse des nombres irrationnels
109. Suite de nombres rationnels convergeant vers une
limite rationnelle. —- Considérons l’ensemble des nombres ra
tionnels qui sont voisins d’un nombre donné c (positif, négatif ou
nul) et qui sont, soit tous inférieurs, soit tous supérieurs, à ce
nombre. Il y a dans chacune des deux classes de nombres ainsi
déterminées, une infinité de nombres de plus en plus rapprochés
de c. En effet, nous savons que l’on peut former des fractions
arbitrairement petites (aussi petites que l’on veut), par exemple
la fraction où m est un nombre entier arbitrairement grand :
ajoutant ces (raclions à c ou les en retranchant, nous formons des
nombres rationnels arbitrairement rapprochés de c au sens du
n° 46).
Envisageons, en particulier, une série indéfinie de nombres,
f 1 ) Michel Stifel, Arithmetica integra, Nüremberg, i544, lib. II, p. io3
« inationalis numerus non sst rerus numerus, et latet suh quadam infini—
tatis nebula ».