LE MONDE DES NOMBRES
le point leur apparaissant comme l'objet le plus simple qui pût
servir à figurer l'unité (‘).
Mais, derrière ces points assemblés, que de choses ne voyaient
pas les Pythagoriciens ! On sait qu’ils attribuaient une significa
tion mystique aux oppositions que nous révèle l’Arithmétique : un
et multiple, pair et impair, carré et bétéromèque ( 2 ). Pour eux,
les nombres sont des êtres, doués de qualités et presque de senti
ments. Il y a des nombres parfaits : ce sont ceux qui sont égaux à
la somme de leurs diviseurs (ou parties aliquotes, vide n° 28) ;
ainsi 6 = i + 2 + 3; 28 = i + 2 + i + 7 4- ii 11 y a des
nombres amis ( :! ) (ou amiables çîXot àptOpoi) ; ce sont les couples
de nombres dont chacun égale la somme des diviseurs de l'autre ;
ainsi, 220 et 2S4, puisque 220 = 1+2 + 4 + 714- i42, et
284 = 1 +2 -+ 4 + 5 -+ 10 +- 11 -+ 20 -+- 22 -4- 44 H-55 -t- 110.
Mais, la merveille des merveilles, c’est le nombre dix. « Dix ( l ),
— écrivait Spcusippe, neveu et disciple de Platon, — dix est par
fait, et c’est à juste litre, et conformément à la nature, que les
Hellènes se sont, sans préméditation aucune, rencontrés avec tous
les hommes de tous les pays, pour compter suivant ce nombre;
aussi possède-t-il plusieurs propriétés qui conviennent à une telle
perfection ». En effet, le nombre dix renferme autant de nombres
pairs que de nombres impairs (cinq), il renferme autant de nom-
ces termes : ouxe oe r t p/jvàç àp’.Oaô; àXÀà ip'/j\ âp•-0Dans VArithmé
tique de Simon Stevin, par contre, en i585, nous trouvons une longue
discussion logique ayant pour objet d’établir : Que l’unité est un nombre
(p. 1-2).— Cf. La Logique de Port-Royal, 1(162, IV e part., chap. v.
(*) Euclide représentait les nombres par des longueurs et déduisait
leurs propriétés de celles des figures géométriques. L’Arithmétique appa-
rait ainsi, dans son traité, comme une suite de la Géométrie. Ce mode
d’exposition, — en ce qui concerne, du moins, les nombres cardinaux, —
ne parait pas être conforme à la tradition pythagoricienne et platoni
cienne.
( 2 ) Un nombre a est carré s’il existe un nombre n tel que a = n X n\
un nombre a est hétéromèque s’il existe un nombre n tel que a = nx (n -(- 1).
Nous verrons plus loin (i3 et j4) que n2 ¿gale la somme des n premiers
nombres impairs, tandis que n X (n + 1) est la somme des n premiers
nombres pairs.
( 3 ) Ces nombres étaient connus des Néo-Pythagoriciens, sinon de Py—
thagore lui-même.
( 4 ) Cité, d’après les Théologoumènes de Jamblique, par Paul Tannery :
Pour l’histoire de la Science Hellène, p. 386.