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LE CALCUL COMBINATOIRE
Déjà, s’il faut en croire Plutarque, le philosophe Xenocrate se
demandait, au iv e siècle av. J.-C., combien de syllabes on peut
composer avec les lettres de l’alphabet. Plus précisément, cherchons
combien il peut exister de mots composés de trois ou de quatre
lettres (étant admis ou n’étant pas admis que la même lettre peut
figurer plusieurs lois dans le même mot) ; demandons-nous de com
bien de manières différentes peuvent être places douze convives autour
d’une table ; proposons-nous de trouver les diverses combinaisons
de chiffres que peut amener un joueur avec deux, ou trois, ou
quatre dés ; cherchons le nombre de boulets sphériques que l’on
peut placer dans une pile de forme pyramidale. Ce sont là des
problèmes qui se résolvent tous au moyen des mêmes formules, —
formules simples, claires, et dont l’application se fait pour ainsi
dire mécaniquement.
Etant donné ces qualités, il n’est point surprenant que le calcul
combinatoire ait été considéré, dès son origine, comme l’un des
plus précieux instruments de la science mathématique. Quelles ne
furent pas les espérances suscitées par lui ! N’est-ce point le calcul
combinatoire qui inspire au Père Mersenne ce rêve insensé de
déterminer mathématiquement les plus belles des mélodies?
Mersenne est frappé de ce fait que toute mélodie est une com
binaison de sons ou d’intervalles, de même qu’un discours est une
combinaison de mots composés eux-mêmes avec les vingt-quatre
lettres de l’alphabet. Ne pourrait-on, dès lors, former à l’avance
toutes les combinaisons fournies par les notes de la gamme ? On
construirait ainsi mécaniquement la totalité des mélodies possibles,
et parmi ces mélodies on recueillerait les plus belles. C’est ainsi
que Mersenne est conduit à écrire un chapitre intitulé : Dans
lequel il est traité des beaux airs et des beaux chants et montré s’il
est possible de faire un chant sur un sujet donné qui soit le plus
beau de tous ceux qui puissent être faits sur le même sujet (‘).
255. — Passant du domaine de l’utopie à celui de la fantaisie,
nous trouvons le calcul combinatoire à la base des problèmes de
société auxquels on donne souvent le nom de récréations mathé-
( 1 ) La Vérité des Sciences contre les sceptiques et pyrrhoniens, 162,5,
chap. x (Bibl. N., R. 9668).