xxiv. Descartes to Huygens [xo May 1637
deces ne vous fuit du tout infupportable ; mais ne doutant $
point que vous ne vous gouuerniez entièrement félon la
raifon, ie me perfuade qu’il vous eft beaucoup plus ayfé de
vous confoler et de reprendre voftre tranquillité d’efprit
accouftumée maintenant qu’il n’y a plus du tout de remede,
que lors que vous auiez encore occalîon de craindre et 10
d’eiperer. Car il eft certain que l’efperance eftant oftée le
deiir ceflè * ou du moins f’affoiblift et fe relafche 3 et que
lorfqu’on a que peu ou point de deiir de rauoir ce qu’on
a perdu, le regret n’en peut eftre fort ieniible. Il eft vray
que les efprits vulgaires n’ont point couftume de goutter cete 15
raifon, et que fans fçauoir eux mefmes ce qu’ilz imaginent,
ilz imaginent que ce qui a autrefois efté peut encore eftre
et que Dieu eft comme obligé de faire pour l’amour d’eux
tout ce qu’ilz veulent. Mais vne ame forte et genereufe,
comme | la voftre, fçait trop bien à quelle condition Dieu zo
nous a fait naiftre, pour vouloir par des fouhaits inefficaces
reiîfter à la neceffité de fa loy. Et bien que on ne f’y puiiîè
foumettre fans quelque peine, i’eftime iî fort l’amitié que ie
croy que tout ce qu’on fouffre à fon occalîon eft agréable,
en forte que ceux mefme qui vont à la mort pour le bien 2s
des perfonnes qu’ilz aftéétionnent me femblent hureux
iufques au dernier moment de leur vie, et pendant que vous
* II defir viue, e la fperanza è morta. Petrar. a —\marginal note in Huygens’
hand].
11 eftant] ad. du tout. — ix f’af- chant la condition de noftre nature,
foiblift et fe relafche] fe relafche & fe foumet toufiours. — xx bien que on
perd fa force. — ix que lorfqu’on] ... foumettre] bien que ce ne foit pas.
quand on n’a.— 17 vulgaires] foi- —14. qu’on] que l’on.—xy-c? pendant
blés. — 17 n’ont . . . goufter] ne que . . . malade, quoy que . . .
gouftent point du tout.— 16-17 ima- fanté] quoy que . . . fanté, pendant
ginent] f’imaginent [¿/V].— 17 que] que . . . malade.
ad. tout. — xo fcait . . . reiîfter] fça-
a c By passion torn, although my hopes are dcad ’ (Canzoniere, CCXXX VI,
Crompton’s translation).
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