XXXII. - 27 JUILLET 1638.
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XXXII.
DESCARTES A FERMAT (■).
MARDI 27 JUILLET 1638.
(D. III, 63.)
Monsieur,
Je n’ai pas eu moins de joie de recevoir la Lettre ( 2 ) par laquelle
vous me faites la faveur de me promettre votre amitié, que si elle me
venoit de la part d’une maîtresse dont j’aurois passionnément désiré
les bonnes grâces : et vos autres écrits qui ont précédé me font sou
venir de la Bradamante de nos poètes ( 3 ), laquelle ne vouloit recevoir
personne pour serviteur qui ne se fût auparavant éprouvé contre elle
au combat.
Ce n’est pas toutefois que je prétende me comparer à ce Roger qui
étoit seul au monde capable de lui résister; mais, tel que je suis, je
vous assure que j’honore extrêmement votre mérite. Et voyant la der
nière façon ( 4 ) dont vous usez pour trouver les tangentes des lignes
courbes, je n’ai autre chose à y répondre, sinon qu’elle est très bonne
et que, si vous l’eussiez expliquée au commencement en cette façon,
je n’y eusse point du tout contredit.
Ce n’est pas qu’on ne pût proposer divers cas qui obligeroient à
chercher derechef d’autres biais pour les démêler, mais je ne doute
point ({ne vous ne les trouvassiez aussi bien que celui-là.
¡1 est vrai que je ne vois pas encore pour quelle raison vous voulez (*)
(*) l.cUrc adressée par l’intermédiaire de Mersenne, en même temps que celle de Dcs-
cartes au Minime de la même date (Clerselier, III, 66), dont l’original (Bibl. Nat. fr. n. a.
5i6o, f° i \ Y°) porte eu marge ces mots :
« Jo vous enuoye ma lettre pour M. de Fermai toute ouuerte, mais vous la formerez s’il
vous plaisl auant que de lui enuoycr pour la bienséance. »
( 2 ) Lettre perdue.
( 3 ) Expression quelque pou singulière, puisque Bradamante et Roger appartiennent à
l’Orlando inamnrato de Bcrni et à VOrlando furioso de l’Arioste.
( 4 ) Voir Pièce XXXI.