XCIX. - 21 AOUT 1658.
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fût concevable et admissible : à savoir qu’un mobile, sans changer de
milieu, puisse tout d’un coup passer d’une vitesse à une autre sans
passer par les degrés d’entre deux. Ce que vous dites vous-même
être contraire aux. lois inviolables de la pure Géométrie et qui
même est contraire à cette loi de la nature, qui est que chaque corps
continue toujours de demeurer dans le même état autant qu’il se
peut, et que jamais il ne le change que par la rencontre des autres. Le
moyen donc de concevoir qu’un corps puisse tout d’un coup, étant
arrivé au point B, perdre la moitié de sa vitesse, lorsqu’il ne se ren
contre rien qui la lui puisse faire perdre! Mais je veux bien vous
accorder toutes vos suppositions et ne vous rien nier, que ce qui ne
se pourra absolument admettre à moins de renverser toutes les lois de
la nature et toutes les notions claires et simples qui sont en nous.
6. Passons à votre seconde supposition, qui est à mon gré une des
plus adroites que l’on pût faire en ce genre et dont sans doute j’aurois
eu peine d’apercevoir la subtilité, n’étoit qu’étant accoutumé à suivre
des voies fort simples dans mes raisonnements, je me défie de tout ce
que je vois qui s’en écarte.
Vous supposez après cela que, la balle perdant comme auparavant
la moitié de sa vitesse au point B, le plan CBE impénétrable se trouve
entre deux et empêche que la balle ne passe au-dessous; et vous dites
que la balle réfléchira aussi bien à angles égaux que si la vitesse ou le
mouvement demeuroit le même. Et certainement je confesse que vous
le prouvez d’une manière la plus ingénieuse qu’il est possible; mais
permettez-moi aussi de vous dire qu’elle est captieuse et souffrez que
je vous fasse voir en quoi je pense que vous vous êtes mépris.
Quand en l’exemple ci-dessus je suis demeuré d’accord que la balle,
perdant au point B la moitié de sa vitesse, ne laissoit pas de continuer
son chemin suivant la ligne BD, avec cette seule différence qu’elle
alloit de moitié moins vite, ç’a été pourcc que, ne changeant point de
milieu et aucun plan ne lui étant opposé, on ne pouvoit pas dire que
la détermination de la balle suivant la ligne AB fût composée de deux