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ŒUVRES DE FERMAT. - CORRESPONDANCE.
CXIII.
CLERSELIER A FERMAT.
SAMEDI 6 MAI 1662.
(D./III, 52.)
Monsieur,
Ne croyez pas que ce soit à dessein de troubler la paix que vous pré
sentez à tous les Descartistes, que je prends aujourd’hui la plume à la
main. Les conditions sous lesquelles vous la leur offrez leur sont trop
avantageuses, et à moi en particulier trop honorables, pour ne la pas
accepter; et si tous ceux qui ont jamais eu des démêlés avec leur
maître étoient aussi sincères que vous, vous la verriez bientôt établie
partout au contentement de tous les partis.
Il y avoit encore deux sortes d’esprits à satisfaire au sujet de la
réfraction :
Les uns, peu versés dans les Mathématiques, qui ne pouvoient corn-,
prendre une raison prise de la nature des mouvemens composés, et
vous leur avez fait entendre raison, en leur proposant un autre prin
cipe plus plausible en apparence et plus proportionné à leur portée, à
savoir que la nature agit toujours par les voies les plus courtes et les
plus simples;
Les autres qui y étoient trop adonnés et qui ne pouvoient se rendre
aux raisons pures et simples de la métaphysique, qu’il faut pourtant
nécessairement joindre avec celles-là pour leur donner la force de la
conviction, et vous leur avez ôté cet obstacle en conduisant votre prin
cipe par un raisonnement purement géométrique.
Et comme ces deux sortes de personnes étoient sans doute beaucoup
plus en nombre que les autres, vous méritez aussi sans difficulté une
plus grande part dans la gloire qui est due à une si belle et si impor
tante découverte.
Je ne vous l’envie point, Monsieur, et vous promets de le publier