démonstration, ne pent-on pas dire que vous avez forcé la Géométrie,
toute sévère qu’elle est, à vous en fournir une par le moyen de cette
double fausse position?
Après quoi je laisse aux plus sévères et plus clairvoyans natura
listes à juger qui de vous deux a le mieux rencontré dans la cause
qu’il a assignée à la réfraction. Gela n’empêche pas qu’à considérer
les choses d’une autre façon, je ne sois d’accord avec vous que la
nature agit toujours par les voies les plus courtes et les plus promptes.
Car, comme elle n’agit que par la force qui l’emporte nécessairement
et qu’elle est toujours déterminée dans son action, elle fait toujours
tout ce qu’elle peut faire; et ainsi, quelque route qu’elle prenne, c’est
toujours la plus courte et la plus prompte qui se pouvoit, eu égard à
toutes les causes qui l’ont fait agir et qui l’ont déterminée.
Après vous avoir ainsi proposé ce qui me fait persister dans mes
premiers sentimens, je né laisse pas de me sentir obligé de me rendre
et d’acquiescer en quelque façon aux vôtres; et, bien loin de vous dis
puter la gloire d’entrer dans la société de la preuve d’une vérité si
importante, je pense avoir trouvé un moyen qui vous doit mettre tous
deux d’accord, en laissant à chacun la part qui lui appartient.
Il semble que, comme la lumière est la plus noble production de
la nature, elle la laisse aussi agir d’une manière la plus régulière
et la plus universelle, et qu’elle a fait que dans son action tout ce
qu’elle emploie de principes dans toutes les autres causes se rencon
trent tous ensemble dans celle-ci.
Ainsi, pource que les mouvemens des autres corps dépendent de
la force qui les meut et de la détermination de cette force, la lumière,
suivant ces lois, tantôt se continue en ligne droite et tantôt s’en écarte,
en s’approchant ou s’éloignant de la perpendiculaire. Mais pource que
nous voyons aussi que la nature agit toujours par les voies les plus
courtes, il falloit que la lumière s’accommodât à cette loi.
M. Descartes a fait voir que la lumière suit dans la réfraction les lois
ordinaires du mouvement de tous les corps, et vous, Monsieur, avez
fait voir que, quoique la lumière semble dans la réfraction prendre un